Quand le sexe que l’on dit faible
sort de sa réserve ordinaire…
Quand l’une, p’tite « nénette »,
trottinante et facétieuse, s’arrête fixant dans les yeux sans aucune retenue,
du haut de ses trois pommes et demi, la femme adulte handicapée (« ma pomme »)
campée sur le fauteuil roulant dont elle ne sort quasi plus… Quand
l’autre, quinquagénaire frappée par la SEP, commence à accepter son infortune…
Quand ces deux nanas ont la ferme résolution d’être « elles » de l’affirmer
haut et clair, le point d’intersection de ces deux destinées devient un
carrefour où il fait bon laisser traîner ses oreilles.
Le restaurant devient alors théâtre,
le face à face féminin qui s’en suit se mue en « scène ouverte aux
amateurs » tandis, qu’autour du rond - point sus - cité, les auditeurs…
spectateurs… consommateurs ouvrent grand leurs feuilles de choux, en oubliant
même les mets qui refroidissent dans leurs assiettes. C’est maintenant que la
salle déjà comble devient comblée par le bagout de ce petit bout de fillette,
qui, sans aucune pudeur du langage qu’affectionne « les grands », pérore :
« Dis, Madame, toi aussi, tu as une
belle poussette ? » Un ange passe, les clients restent bouche bée tandis que
je souris et réponds à ce petit bout de femme : « Merci, mais tu sais, ma
poussette à moi elle n’est destinée qu’à ceux qui ont mal aux jambes. Alors,
je préfère la tienne et j’espère que tu n’auras jamais besoin d’une poussette
telle que la mienne. »
Oh temps suspends ton vol ! Et vous,
heures cruelles, arrêtez de tourner ! « Ma pomme » redevient l’enfant naïve
que je fus, ma citrouille devient carrosse…Mon fauteuil roulant se mue en
landau… Et c’est dans la profondeur de ce regard juvénile, hardiment planté
dans le mien, que j’oublie la SEP et ses tourments, la vie et les injustices
qu’elle sait si bien distribuer à ceux, celles qui ne lui ont rien demandé.
Alors, la femme qui roule que je suis
n’amasse plus frousse, et un réel besoin de continuer à vivre debout succède
enfin à cette peur tenace qui, depuis un certain 10 janvier, m’empoisonne la
vie. « M’enfin ! ». J’ouvre grand les yeux et regarde en face, le futur, pas
si simple que ça qui pourra (pourrait) être mien si je ravale ma colère, et
décide de me battre encore. Petite fille, merci à toi, et à tes parents qui
ont su rester de simples figurants pour cette leçon de vie, offerte à un large
public dont moi.
Durant cet éphémère dialogue féminin,
l’émotion avec un grand « E. » a submergé tous ces gens assis là devant
l’océan. Précieux moment d’éternité, gigantesque houle de lendemains sereins !
Pour cette leçon de vie donnée avec
talent, par un si petit bout de femme à son aînée condamnée à circuler en
poussette…Merci. Depuis, mon verre est toujours à moitié plein et je plains
ceux, pour qui il reste à moitié vide.
Merci petite, ta gouaille et ton
parler vrai, ont « colorisé » le devenir noir et blanc que je m’étais
fabriqué. M’enfin, je veux vivre, encore cette nouvelle tranche de vie qui
s’annonce à l’horizon…dès que…
Et pouvoir savourer, encore une fois,
la journée de la Femme... Celle de 2007 …pourquoi pas?