Le Courrier de la Marche Mondiale des Femmes contre les Violences et la Pauvreté N°44
Reçu le 17 septembre 2004 par la rédaction
Bonjour, voici quelques textes, rendez-vous et communiqués concernant les droits des femmes, en espérant qu'ils vous seront utiles.
Ceci est un bulletin de collecte d'informations, ce qui veut dire que nous ne sommes pas obligatoirement d'accord avec tout ce qui est écrit
(sauf pour les communiqués signés Marche mondiale des Femmes)
Marche mondiale des femmes, tel 01 44 62 1 33, Fax : 01 44 62 12 34
Sommaire:
1 - Marche Mondiale des Femmes : initiative 2005
2 - Préparation du FSE 2004 à Londres
3 - Articles sur les violences dans les journaux et initiative 6h sur
les violences du CNDF
4 - Les prochaines dates
1 - Marche Mondiale des Femmes : initiative 2005
Nous vous avons déjà prevenu dans le n° 43 de ce courrier qu'une nouvelle
initiative Marche Mondiale des Femmes va avoir lieu en 2005, initiative basée
sur une " Charte mondiale des femmes pour l'humanite " qui se " baladera " dans
un maximum de pays (des marches seront organisées).
Les dates :
jusqu'à fin juin, amendements à la première ébauche de la Charte ;
fin août, réception de la seconde mouture ; réunion dans chaque pays
pour faire les nouveaux amendements et adopter la Charte ;
en décembre, réunion mondiale de la MMF au Rwanda pour adopter la Charte
et les initiatives de 2OO5 ;
8 mars 2005, lancement mondial de la Charte au Bresil et initiatives ce
même jour dans un maximum de pays ;
du 8 mars au 17 octobre 2005, la Charte parcoure le monde et s'arrête
dans 50 pays (relai mondial) ; pour l Europe, la coordination européenne de
la Marche propose qu elle s'arrête les 28 et 29 mai en France à Marseille
(débats, foire, concert et manifestation
17 octobre 2005 à12h, journee internationale contre la pauvrete : 24
heures de solidarite feministe mondiale ;
17 octobre 2005, arrivee de la Charte mondiale des femmes pour l'humanite
en Afrique avec une délégation internationale - fin du relais mondial
PREMIERES REUNIONS UNITAIRES DE PREPARATION
Mardi 21 septembre, 18h30,
Bourse du travail Paris
et
Dimanche 26 septembre
matinée a partir de 9h30
2 - Préparation du FSE Londres
Nous sommes toujours en pourparler avec Londres pour
essayer, dans la continuité de l'assemblée européenne pour les droits des
femmes a Londres, d avoir de nouveau une Assemblée des femmes. C est assez
complique. Par exemple, la Marche mondiale des femmes a dépose un séminaire
intitule : Quelle Europe pour les droits des femmes: Après les succès de
l'Assemblée Européenne pour les Droits des Femmes du 12 novembre 2003,
comment continuer ensemble, avec quels moyens, pour quelles mobilisations.
Etant donne qu un millier de séminaires ont été deposes pour 150 possibles,
nous avons ete regroupes avec 4 autres séminaires. Nous attendons maintenant
de savoir si nous tiendrons effectivement ce seminaire regroupe (avec des
interventions sur l'avortement, la constitution européenne, les droits des
femmes en Europe, quelles mobilisations et comment) ou une Assemblee des
femmes. A un mois a peine du FSE, nous nous inquietons Sinon, une pleiniere
sur les femmes est prevue. Pour tous renseignements :
www.fse-esf.org
Adressé a la commission programme et aux responsables du FSE Bruxelles
3/9/04
L'égalité Hommes-Femmes qui est pour nous une exigence démocratique majeure,
ne nous parait pas suffisamment prise en compte dans la préparation du
prochain Forum. Pour nous prémunir contre de nouvelles déconvenues et
déceptions nous faisons les propositions suivantes :
1) concernant spécifiquement Londres,
- Nous renouvelons notre demande d organisation d un
seminaire sur fondamentalismes et droits des femmes (proposition 932) auquel
doivent etre associees les organisations suivantes: 833 Husan Mahmoud, 867
international campaign in def. Of women's rights in Iran, 932 assoc of
anglo-iranian women, 1081 women living under muslim laws, women against
fundamentalism and others, 994 south as sol org, women living under muslim
law, Reseau europeenne Femmes et Pouvoir, CENI Bureau de femmes Kurdes pour
la Paix, IFWF Fondation internationale des femmes libres, Vocale dones in
Barcelona, MMF Grece, Femmes contre les integrismes.
- La decision de tenir une assemblee des Femmes pendant le FSE( pour assurer
la continuite de l'assemblee de Bobigny : 3500 femmes , 360
associations) a ete retenue a Berlin, il est pour nous hors de question de
la remettre en cause. Le contenu et les modalites de cette assemblee feront
l objet de la reunion a 18 heures ce soir.
2) Sur un plan général
- Une large diffusion des listes d adresses e mail telle
qu utilisee pour preparer Bobigny, est necessaire pour elargir et renforcer
le reseau d'associations feministes et eviter les nombreuses pertes
d'information dont nous avons ete victimes et pour assurer plus de
transparence et de collegialite des decisions.
- Nous proposons que la veille de chaque manifestation ou reunion
programatique du FSE soit organisee une reunion des feministes pour assurer
une prise en compte de la thematique de l egalite homme femme conforme aux
objectifs de la charte.
La difficulte pour les femmes de se faire entendre reste de pleine actualite
et nous semble renforcee par le fonctionnement des structures. Ceci nous
amene a demander d'autant plus fermement l'integration d'un theme "Feminisme
et altermondialisme" dans le seminaire propose sur l'avenir de l'altermondialisme.
(Reseau Europeen Femmes et Pouvoir, Femmes et mondialisation d ATTAC France,
Femmes sans Frontieres Suede, MMF Grece)
Groupe de travail femmes:
Sissi Vovou Marche Mondiale Grece,
Josette Rome Chastanet Marche Mondiale France,
Nurgul Yakisan et Uta de CENI Bureau des femmes kurdes pour la Paix, Nursel
Kilic et Ann Kristin Kowarsh de la Fondation Internationale des Femmes
Libres IFWF, Lilian Halls-French Espace Marx et reseau Europeen Femmes et
pouvoir.
3 - Articles sur les violences dans les journaux et
initiative 6h sur les violences du CNDF
Violence : En France, des femmes tuées en silence
Cet ete, 29 meurtres de femmes par leur conjoint ont ete relates par l'AFP.
Pourtant, aucun chiffre officiel n existe sur le phenomène - Blandine
GROSJEAN - jeudi 09 septembre 2004 (Liberation - 06:00)
Pourquoi tant de femmes perissent en France sous les coups de leur conjoint
? Une tous les deux jours cet ete. Leur nombre est-il en hausse, comme l
affirment les associations, a l instar de l'Espagne, qui a connu une
augmentation de 34 % entre 2002 et 2003 ? Combien d enfants meurent lors de
ces drames "de couple" ? Personne ne peut le dire. L Etat français ne s est
jamais interessee à la question. Contrairement a la plupart des pays
occidentaux, qui tiennent le decompte de ces homicides, il n existe aucun
organisme charge de les comptabiliser.
En 2001, le professeur Henrion, membre de l Academie de medecine, auteur d
un rapport sur les violences conjugales pour le ministere de la Sante,
preconisait pourtant de recenser les homicides pour violences conjugales et
d en assurer une publication annuelle. Ce travail effectue methodiquement en
Espagne depuis la fin des années 90 a permis aux chercheurs et aux
politiques de déterminer que ces crimes survenaient quand la femme décidait
de quitter son conjoint : 70 % des victimes (contre 29 % au Danemark ou 27 %
au Canada) etaient en instance de separation. Ces meurtres, 81 en Espagne en
2003, seraient le tribut paye à l indépendance croissante des femmes.
Rupture. Au ministere charge du Droit de femmes, l amateurisme atteint des
sommets. "Peu importe les chiffres, la violence est inacceptable", dit
Nicole Ameline. La ministre se contente donc d extrapolations publiees par
le professeur Henrion a partir de chiffres collectes à l Institut
medico-legal parisien dans les annees 90 : une femme decederait de violences
conjugales tous les cinq ou six jours, soit 60 à 88 par an. En Espagne, le
nombre de victimes a double depuis 1999. En France, des associations
feministes avancent le chiffre de 400 femmes tuees par leur compagnon, sans
pouvoir etayer ce chiffre. Françoise Cherbit, de la Federation nationale
solidarite femme, affirme que "sur ces trois ou quatre dernieres annees, il
y a de plus en plus de passages à l acte meurtrier de la part d ex-conjoints
ou d ex-concubins. Les femmes seraient plus en danger de mort lorsque leurs
partenaires perçoivent le caractère irreversible de la rupture et ne
l'acceptent pas". Un "sentiment" confirmé par Daniel Welzer-Lang,
sociologue, l'un des rares à travailler sur la violence masculine. "La
plupart des hommes tuent par jalousie, ou parce que leurs conjointes les a
quittes ou parce qu ils craignent d etre quittes", affirme Patricia Mercader,
chercheuse et professeur d universite, auteur de Crime passionnel, crime
ordinaire (1). La situation française serait donc comparable à celle de
l'Espagne.
En 2000, 192 femmes avaient ete victimes d homicide selon eInserm, qui
centralise tous les certificats de deces. Mais on ne sait pas qui est leur
agresseur. Ce chiffre est "tres certainement sous-estime", precise Eric
Jougla, qui dirige ce service: "Les études methodologiques sur les suicides
nous ont montre que cette sous-estimation etait de 20 %."
Il existe par ailleurs une zone d ombre extensible, celle des homicides
camoufles, des disparitions non elucidees, des suicides etranges. En 2000
encore, plus de 6 000 femmes sont mortes de chutes accidentelles et 2 800 se
sont suicidees. Annick Houel, professeur de psychologie sociale à Lyon,
analyse actuellement les faits divers dans la region Rhone-Alpes. "Les
defenestrations sont un vrai souci." Cette chercheuse, comme ses collegues
français, travaille en recoupant les informations de la presse.
"Le cas Orantes". Faute de donnees, la France n apparait donc pas dans les
etudes internationales sur les taux d homicides conjugaux, ou la Roumanie
detient le record (12,6 femmes tuees par million d habitants) et l Islande
ferme la marche avec... zero tuee. Pour le reseau feministe espagnol, cette
absence de chiffres français s apparente à du "negationnisme", celui que
connaissait l Espagne avant l assassinat d Ana Orantes en 1997, brulee vive
par son mari apres avoir temoigne de son calvaire conjugal sur une
television andalouse. Le "cas Orantes" avait declenche une prise de
conscience mediatique et politique, qui se concretise aujourd hui avec la
"loi integrale contre la violence de genre" defendue par le gouvernement
Zapatero.
(1) Avec Annick Houel et Helga Sobota. PUF, 2003.
Violence : Des "différends" conjugaux...
Du 29 juin au 29 aout, recensement de crimes commis dans l indifference. -
Par Blandine GROSJEAN - jeudi 09 septembre 2004 (Liberation - 06:00)
Les Français se souviendront peut-etre, mais ce n est pas certain, que
celle-ci avait un prenom. Chantal. L epouse de l ancien international de
rugby Marc Cecillon est morte le 7 aout. Les autres n ont laissé aucune
trace dans la memoire collective. Parfois, quand la presse leur consacre
quelques lignes, la profession est signalee, aide-soignante, directrice
commerciale, formatrice, ainsi que la couleur de la robe qu elle portait,
verte, le nombre de coups de couteau reçus, 35 très exactement. Ce sont des
faits divers locaux, isoles, des drames prives, qui n atteignent pas le
phenomene de societe. "Un homme de 67 ans a tue sa femme de 58 ans de 17
coups de fer à repasser dans leur maison de Maure-de-Bretagne
(Ille-et-Vilaine). Le couple paraissait tres uni et sans histoire." Comme le
meurtrier s est suicide, il n y aura meme pas de proces. Les enfants, s ils
en ont, pleureront dans l intimite.
"Elle l avait quitte pour un autre"
Du 29 juin au 29 août, au moins 29 femmes ont ete tuees par leur mari,
compagnon, ex-mari ou ex-compagnon (1). Ce chiffre est le resultat d une
recherche empirique menee sur l'AFP, puisqu il neexiste pas en France de
decompte de ce type de meurtres (lire ci-contre). En juillet et en aout,
cela fait une femme tous les deux jours, 180 par an si l on extrapole. Dans
l indifférence politique, mediatique et sociale, sauf à Limoges, ou Ni putes
ni soumises a organise une manifestation apres le meurtre par son mari, en
pleine rue et devant ses enfants, d une jeune femme en instance de
séparation. Selon le parquet, cite par l'AFP, "il n aurait pas supporte qu
elle le quitte pour un autre". 5 des 29 agresseurs recenses ont également
supprime leurs enfants. A Marseille, un chef d entreprise a poignarde son
fils et sa fille ages de 3 et 7 ans apres avoir tente en vain d assassiner
son épouse. Celle qui s est fait tuer dans un village de Seine-et-Marne fin
aout avait quatre enfants, quatre orphelins aujourd'hui. Eux, au moins, ont
échappé à la vengeance. L'AFP du 27 aout consacre quelques lignes a l
affaire : "Le couple quadragenaire était separe. La femme, victime de
violences conjugales dans le passe, etait venue chez son ancien mari pour
recuperer des affaires. Dans des circonstances et pour des raisons
indeterminees, l'homme a tire sur son ex-epouse avant de retourner l arme
contre lui."
Parmi les 29 meurtriers des vacances, 11 se sont suicidés, un a tue les
beaux-parents, et, a Lyon, un agent d entretien a en outre supprime un
pecheur qui l avait vu jeter le cadavre de sa compagne dans la Saone. Ils
avaient un enfant de 2 ans. Une cinquantaine de morts en tout. Contrairement
aux idees reçues, ces drames ne touchent pas plus les milieux defavorises ou
d origine etrangere que les autres. Parmi les 29 meurtriers, seul un etait
yougoslave et un autre d origine turque. L alcool est exceptionnellemen
evoque.
"Harcelee depuis cinq mois"
D apres les sources de l'AFP, exclusivement policieres ou judiciaires, on
comprend que ces femmes voulaient quitter leur conjoint, ou qu elles etaient
deja parties. Ces affaires entrent dans la categorie "drame de la rupture"
et suscitent le sentiment que la mort violente est un des risques naturels,
objectifs d une rupture d initiative feminine, et que personne n y peut
rien. "Sur le parking de l entreprise, elle est attendue par son ex-conjoint
qui la harcelait depuis cinq mois, date de leur separation. Elle avait
plusieurs fois porte plainte et son epoux avait ete condamne a quatre mois
de prison avec sursis pour menaces de mort." Lui était facteur, elle avait
une cinquantaine d annees, ils avaient deux enfants de 13 et 16 ans. Il est
tres souvent question de "dispute". Une victime agee de 44 ans, domiciliee à
Echirolles et mere de trois enfants, a ete tuee par son concubin à coups de
couteau "suite a une dispute dans la voiture". Une autre, 30 ans,
aide-soignante, vivait à Hayange (Moselle) : "Son concubin, boucher, a avoue
l avoir laceree d'une vingtaine de coups de couteau apres une dispute parce
qu elle voulait le quitter."
"A peine sorti de prison..."
En Alsace, quelques jours auparavant, un "homme de 52 ans s est violemment
dispute avec son ex-amie au domicile de cette derniere, avant de lui
frapperle visage contre le sol". Mi-aout, un homme de 90 ans, marie depuis a
peine trois mois, a été ecroue pour avoir tue sa femme de 72 ans "a la suite
d une dispute a leur domicile de Saint-Sulpice-sur-Leze (Haute-Garonne)". Le
mot "dispute" peut etre remplacée par un autre euphémisme - "differend
conjugal" : "Un homme de 51 ans a tue sa femme de 41 ans lors d un différend
conjugal à Aulnay-sous-Bois. L homme aurait frappe sa femme avec un fer a
repasser avant de la tuer avec un fusil à pompe."
Jamais, dans ces courtes relations, on ne sollicite une association
feministe - comme sont sollicitees les associations communautaires lors de
delits racistes -, jamais la mort violente d une femme ne suscite la mise en
cause d institutions comme dans les cas de maltraitance a enfants. Pas de
remous, ni de scandale. L'AFP titre sobrement sa dépêche du 10 août : "A
peine sorti de prison, un Reunionnais tue son ex-concubine." Le 13 mai
dernier, ce Reunionnais avait ete condamné a 6 mois de prison pour
"violences volontaires sur concubin ayant entraine une ITT superieure à huit
jours". Reduction de peine et grace du 14 Juillet (les auteurs de violences
conjugales n'en sont pas exclus), il a ete libere le 5 aout. A peine sorti,
il a menace son ex de la supprimer si elle ne reprenait pas la vie commune.
Deux fois, elle a reussi à s echapper, la deuxieme elle s est refugiee à la
gendarmerie. L'homme a ete interpelle, a nie les menaces de mort et a ete
immédiatement relache sur décision du parquet de Saint-Pierre. "En l absence
de constatation d une infraction punissable, le parquet n a pu qu ordonner
sa remise en liberte", s est justifie le parquet de Saint-Pierre dans
uncommunique après la mort de Florence, tuee d un coup de couteau dans le
coeur.
(1) Il n existe pas de mot cle type "homicide conjugal". Il a fallu chercher
à "meurtre", "assassinat" "homicide", puis "epouse" "concubine", "compagne"
"instance de divorce". Entre le 29 juin et le 29 aout, l'AFP ne repertorie
aucun homicide d homme par sa femme ou concubine. Le 24 mai à Creteil et le
23 mai à Toulon, deux femmes ont tue de coups de couteau leurs concubins.
Violence
"La violence des hommes est un tabou"
L exception française tiendrait à la discrimination sexiste et au mouvement
feministe. - Blandine GROSJEAN - jeudi 09 septembre 2004 (Liberation -
06:00)
Meme quand une actrice meurt sous les coups de son compagnon, les homicides
conjugaux ne constituent pas en France un "sujet de societe". On persiste a
parler de "crimes passionnels" alors qu ailleurs il s agit de "crimes de
genre", "d homicides sexistes" ou de "feminicides". "L exception française",
desormais soulignee dans les colloques internationaux, est complexe a
analyser. Anne Houel, professeure de psychologie sociale à Lyon-II, a
participe à l enquête Enveff (Enquête nationale sur les violences envers les
femmes en France), qui a etabli que 10 % des Françaises etaient victimes de
violences conjugales. "La contestation de l enquete de l'Enveff par certains
intellectuels fait partie du probleme français : aborder les rapport sociaux
des sexes, dire qu il peut y avoir des problèmes, c est toucher a notre
conception française de la sexualité, prétendument fondee sur la seduction,
l amour courtois, l'égalité. On prefere donc s'interesser aux violences dont
sont victimes les femmes d origine étrangère. Les femmes battues, c est dans
les quartiers." Janine Mossuz-Lavau, politologue, directrice de recherches
au CNRS, denonce elle aussi l existence d un courant qui nie les violences
comme les discriminations sexistes sous le discours: "Ces bonnes femmes,
elles nous font chier, elles ont pris le pouvoir dans la sphère privée, dans
la procreation, la famille, qu est-ce qu elles demandent de plus ?" "Ceux et
celles qui en parlent se voient accuser de rallumer la guerre des sexes",
poursuit-elle. Autrement dit, en évoquant ces affaires, les medias
craindraient de "monter en épingle" cette guerre des sexes redoutée.
En France, contrairement aux pays anglo-saxons, nordiques et à l Espagne, le
"politiquement correct" consisterait a nier ces violences. "Chez nous il y a
des causes et des sujets sérieux et valorisants pour les hommes politiques.
Les histoires de bonnes femmes n en font pas partie, quant à la violence des
hommes, c est tabou", estime Daniel Welzer, sociologue, spécialiste de la
question masculine. Une autre explication à "l exception française" se
trouve peut-être dans le mouvement féministe. "Il y a eu des grands noms
pour defendre le droit à la contraception, à avortement, a la sexualité
épanouie ; un combat plus sexy que celui des femmes battues, qui n a pas de
grands noms, où l effet d identification ne fonctionne pas. Persiste dans
notre pays dés que les femmes battues sont des "connes", que cela n arrive
pas à n' importe qui."
Suzy Rojtman, du Collectif national du droit des femmes, admet la faiblesse
du mouvement féministe sur ce sujet. "Les associations qui assument la
solidarité concrète avec les femmes battues ou violées ont du mal a
articuler leur action avec le militantisme politique et médiatique. Elles
sont marginalisées parce qu elles ont le nez dans le guidon, et personne n a
envie de se coltiner le boulot qu elles font, ça renvoie chacune de nous a
des peurs ou des traumatismes.
Violence. Editorial - Ignorance - Par Gérard DUPUY
jeudi 09 septembre 2004 (Liberation - 06:00)
Plus d un demi-siècle après la publication du Deuxième Sexe, la condition
féminine continue d être entachée de curieuses zones d ombre. L absence de
statistiques sur les meurtres conjugaux témoigne d une étrange indifférence
dans un pays où on tient, à l exemplaire prés, le compte de chaque
taille-crayon ou pot de yaourt vendu. De plus, nous sommes censés avoir si
bien appris nos leçons féministes qu on n évoque plus ces dernières qu'avec
une commisération ennuyée : vieilles barbes ! Pourtant, la réalité des vies
familiales est bien éloignée des couleurs pimpantes de conte de fées
postmoderne qu'on leur prete hâtivement.
Après trente ans de ministères dédies à la condition fEminine, le flou qui
prEvaut à propos de ces meurtres de femmes est une incongruité statistique.
Mais sans doute doit-on replacer celle-ci dans le contexte d'un
développement beaucoup moins large des gender studies (expression depourvue
de traduction, sans surprise) qu'on aurait pu l attendre. En l occurrence,
ce sujet d etude n'a pas bénéficie de l'intérêt social - mediatique,
sociologique ou judiciaire - dont sont l objet les crimes sexuels. Trop
ingrat ?
La maniere la plus simple de s accommoder d un fait désagreable, c'est
encore d ignorer son existence. Personne n ose trouver ouvertement normal
que cinquante fois plus d hommes tuent leur femme que l inverse. C est
pourtant la sagesse arithmétique à laquelle aboutit le refus de s en etonner.
Pendant longtemps, les Français se sont joyeusement (auto)detruits au volant
de leurs voitures, jusqu a ce qu on admette que ce carnage n etait pas
fatal. Mutatis mutandis, il doit etre possible de reevaluer le caractere
inevitable des meurtres conjugaux. Encore faut-il commencer par admettre
leur existence. Seulement alors pourra-t-on etudier leurs constantes et
ainsi envisager une prevention. Les femmes assassinees meritent mieux que le
trop discret enterrement qui se referme sur elles.
Violence
A savoir
jeudi 09 septembre 2004 (Liberation - 06:00)
33% des femmes tuees par leur conjoint ont ete poignardees, selon une etude
menee dans les annees 90 à l Institut medico-légal de Paris. 30 % ont ete
abattues par une arme à feu, 20 % etranglees, 10 % rouees de coups. Moyenne
d age des victimes 45 ans, la mort survenant presque toujours dans un
contexte de violences durant depuis longtemps.
En Europe,
La Roumanie arrive en tete du taux de meurtres conjugaux avec 12,6 femmes
tuees par million d habitants. Suivent la Finlande (8,6) la Norvege (6,5),
le Luxembourg (5,5), le Danemark (5,4), la Suede (4,5) le Royaume-Uni (4,3),
l Allemagne (3,5), l Espagne (2,4), l Irlande (2), la Pologne (1,8), la
Hollande (1,8) et l Islande (avec 0). (a partir des donnees de 1999)
L Enquete nationale sur les violences faites aux femmes (Enveff), realisee
en 1999 aupres de 6970 femmes agees de 20 à 59 ans, etablissait que la
violence conjugale (menaces, chantage affectif sur les enfants, mepris,
sequestration, mise à la porte, rapports sexuels imposes, coups et
tentatives de meurtre) concernait 10 % des femmes interrogees.
La loi espagnole
contre la "violence de genre" implique une reforme de l education, du droit
de la publicite, la creation de centres d urgences et de "recupération
totale" pour les femmes maltraitees, des aides financieres, une aide
juridique spécialisée et gratuite. Elle modifie à leur benefice le droit du
travail. 400 postes de juges specialises seront crees, les peines contre les
agresseurs sont aggravees.
4 - Les dates
- 25 et 26 septembre, réunion nationale du Collectif au
Snuipp, 12 rue Cabanis, 75013, Paris ; le 26 à 9h30 , la Marche mondiale des
Femmes et le FSE ;
- Jeudi 30 Septembre, réunion unitaire préparatoire manif nationale
"Violences", 18h, bourse du Travail Paris ;
- 21 novembre : 6 heures contre les violences faites aux femmes ;
- 27 novembre : manifestation nationale contre les violences faites aux
femmes ;
- 19 et 20 mars 2005 : débat "Alternatives féministes" ;
- 28/29 mai , initiative européenne de la MMF à Marseille
Pour tout contact : Marche Mondiale des Femmes, 104 rue des Couronnes, 75020 Paris Tel : 01 44
62 12 33 Fax : 01 44 62 12 34