Le Courrier de la Marche Mondiale des Femmes contre les Violences et la Pauvreté N°115Daté du 7 Octobre 2008Bonjour, voici quelques textes, rendez-vous et communiques concernant les droits des femmes, en espérant qu'ils vous seront utiles. Ceci est un bulletin de collecte d'informations, ce qui veut dire que nous ne sommes pas obligatoirement d'accord avec tout ce qui est écrit (sauf pour les communiqués signes Marche mondiale des Femmes). Faites passer a vos réseaux et ami-es. Amicalement. Coordination Française Marche mondiale des femmes 25/27 rue des Envierges, 75020 Paris, tel 01 44 62 12 04 ; 06 80 63 95 25, Site : www. marchemondiale.org
SPECIAL
" Des ponts pas
des murs "
Sommet citoyen sur
les migrations
MOBILISATION
MOBILISATION
1 -
Appel à la mobilisation Il est grand temps que la question des migrations et du développement soit réellement pensée sous l angle des intérets mutuels : ceux des pays d origine, des pays de transit, des pays d accueil et surtout, ceux des migrants eux-memes. Nous
voulons une autre Europe que celle qui se transforme en forteresse et
met en oeuvre des moyens démesurés pour empecher l accès a son
territoire et expulser les sans-papiers. Nous refusons la
systématisation des centres de détention et de l éloignement forcé. Pour signer l appel, organisations de la société civile uniquement, merci d envoyer le nom de votre organisation avec le sigle et le détail de l acronyme s il existe, ainsi que le nom et les coordonnées d une personne contact au sein de votre organisation a l adresse suivante : contact@despontspasdesmurs.org 2 -
La construction d une "Europe Forteresse" Depuis les années 1990 la " coopération " en matière de politique migratoire avec l Union européenne et ses États membres devient peu a peu un enjeu des partenariats avec les pays du Sud. Les évènements tragiques de Ceuta et Melilla et les témoignages de la presse sur les milliers de victimes résultant de la " guerre aux migrants " livrée aux frontières de l Europe, ont précipité la tenue d une réunion des ministres de l Intérieur européens en octobre 2005 suivie, en juillet 2006, de la conférence ministérielle euro-africaine sur les migrations et le développement a Rabat. Cette conférence, a l initiative de la France et de l Espagne et dont les associations de la société civile ont été exclues, a davantage été un lieu ou des pays " développés " ont parlé a des pays " en développement " des questions migratoires, qu un dialogue équitable ou les intérets des pays du Sud et les droits des migrants eux-memes étaient respectés. Résultat
de cette conférence, le plan d action de Rabat est censé s appliquer "
dans le respect de la dignité et des droits des migrants et des
réfugiés ", sans qu aucune mention en tant que telle des principaux
textes internationaux de protection des migrants et des réfugiés n y
figure, excepté les textes relatifs a la traite des etres humains.
Sous les apparences d un discours prenant en compte les problématiques
des pays du Sud, telle que la question du développement, les États du
Nord ont opté pour poursuivre une " collaboration " déséquilibrée avec
leurs " partenaires " appelés avant tout a adhérer aux politiques
migratoires choisies par le Nord. 3 - La campagne "Des ponts Pas des murs" Préoccupées par le caractère essentiellement sécuritaire du traitement des flux migratoires, entraînant des milliers de morts, et par les choix économiques mis en oeuvre qui maintiennent le continent africain en marge du développement, plus de 250 organisations de la société civile du Nord et du Sud se mobilisent et organisent un sommet citoyen sur les migrations, les 17 et 18 octobre prochains a Paris.
- Porter un discours commun des sociétés civiles du Nord et du Sud pour une autre conception de l immigration et un autre rapport entre l Union européenne, l Afrique et le reste du monde. -
Proposer des alternatives aux politiques migratoires restrictives
entraînant la ségrégation entre nationaux et indésirables et la mort
de milliers de migrants. Un grand concert accueillera en musique les manifestants a partir de 16h et jusqu a 22h sur la place de la République. Organisé avec l appui des Tetes Raides ce concert mobilise un grand nombre d artistes qui souhaitent témoigner de leur soutien a cette mobilisation citoyenne. 4 - Six grands axes pour construire une autre politique Exclus de la construction de la politique européenne d immigration, les citoyens et les organisations des sociétés civiles du Nord et du Sud interpellent les responsables politiques européens et africains et proposent analyses et alternatives autour de six grands axes.
La rencontre ministérielle euro africaine qui se tiendra en octobre promet de renforcer les dispositifs de controles aux frontières, en tentant notamment d impliquer la CEDEAO dans le modèle européen de gestion répressive, au détriment du modèle historique de libre circulation des personnes, pourtant commun aux deux espaces régionaux. Quels sont les effets " en cascade " a court et moyen termes de ces politiques en termes de circulation, d expulsion et de refoulement en Afrique ? Quelles sont les mobilisations nationales, régionales pour s opposer a ces évolutions ? Comment réaffirmer aux yeux de l opinion publique l importance de faire évoluer les droits attachés a la mobilité des personnes migrantes ? Telles seront les questions posées dans l atelier.
On ne parle souvent des femmes migrantes que comme des victimes de la violence et des trafics. Il s agit d une vision réductrice de la réalité. Qu elles aient choisi, ou aient été contraintes de quitter leur pays, les femmes jouent un role croissant dans la migration. La condition de celles qui restent, nombreuses, se transforme. Avec les départs des hommes, elles assument le role de chef de famille dans les pays d origine et contribuent a la mutation des schémas familiaux traditionnels. L
atelier tentera de recenser, a travers des exemples concrets, les
mécanismes qui précarisent particulièrement les femmes migrantes. Dans
les pays d origine, elles constituent la majorité des employés de l
industrie délocalisée (textile en Roumanie). Dans les pays d arrivée,
on les trouve dans les secteurs les plus précaires (secteurs des
services et des soins a la personne, de plus en plus privatisés).
Dans l agriculture espagnole, les programmes de recrutement depuis les
pays d origine (Maroc/Sénégal) ciblent prioritairement les mères de
famille, qui constituent une main d oeuvre temporaire captive,
sous-payée, exploitable. Quelles que soient les causes de leur départ, ces mineurs pourraient pourtant pleinement bénéficier de cette migration s ils étaient accueillis, valorisés et protégés. Mais la politique de " lutte contre l immigration irrégulière ", qui voit en eux des étrangers plutot que des enfants, les expose encore plus que les adultes aux dangers de la route et des refoulements, les assigne a la précarité et a la marginalité et condamne ainsi tous leurs espoirs. Pour pouvoir les considérer comme majeurs, la plupart des Etats européens n hésitent pas a utiliser, a l encontre des plus agés, des méthodes qui n ont de scientifique que l apparence (" examen osseux "). Outre ces mineurs isolés, l atelier s intéressera aussi aux nombreux enfants de personnes sans-papiers vivant avec leur famille dans les pays d immigration. Ces derniers sont victimes des réglementations qui conduisent a leur enfermement et/ou leur expulsion avec leurs parents, comme l'autorise la directive " retour " adoptée en juin 2008, ou les en séparent. Dans les
deux cas, les principes de respect de l " intéret supérieur de l
enfant " et du droit de vivre en famille sont dévoyés au nom de la "
maîtrise des flux migratoires ". Rien ne permet de distinguer, a priori, un migrant d un réfugié ou d un demandeur d asile sur le parcours migratoire. Or, tous les dispositifs de controle et de retenue mis en place ou financés par l'Union européenne a ses frontières ou dans les pays voisins entravent de fait l accès au territoire européen des personnes ayant besoin de protection internationale. La chute vertigineuse du nombre de demandes d asile (50% en 5 ans pour l UE) en Europe, comme dans tous les pays industrialisés, est la conséquence directe de ces entraves. A l échelle mondiale, le nombre de réfugiés et de personnes déplacées dans leur propre pays ne cesse pourtant d augmenter : 19 millions en 1989 contre 26 millions en 2007.
Prétendant respecter la Convention de Genève sur les réfugiés, la
politique européenne d asile impose un système de répartition
autoritaire du traitement des demandes d asile : a l intérieur de l
UE avec le règlement Dublin, et avec ses voisins non européens,
notamment au Maghreb, au nom d un inéquitable " partage des
responsabilités " qui les contraint a recevoir les réfugiés que l
Europe ne veut plus accueillir, alors qu ils n y sont prets ni sur le
plan économique ni sur le plan institutionnel. 5 -
Utilisation des femmes et des migrants dans le processus de
mondialisation du marché du travail
- par Claudine Blasco - militante d Atac et de la MMF C est
pour cela que je pense que la division internationale du travail
arrive a son terme pour laisser la place a la mondialisation du
marché du travail et a la marchandisation de la force de travail (manning
agencies ), et qu il faut particulièrement s intéresser aux cas des
femmes et des migrants dans ce processus. Les restructurations, une fois les emplois supprimés dans les pays développés (presque 2 millions en Europe entre 2002 et 2007) ont permis l externalisation de la production dans les pays émergents (les PECO pour l Europe, le Maghreb pour la France) ce qu on appelle l outsourcing qui permet la pérennité de la firme mère dans son pays d origine et sa transformation en firme donneuse d ordre, quelquefois virtuelle et le plus souvent sans usine. Est apparu ainsi une nouvelle organisation des entreprises pyramidale : a la pointe, la société-mère, puis les filiales, les succursales, et a la base un maillage international de sous-traitants, entreprises ou travailleurs a domicile non connectés entre eux, ne connaissant souvent pas la maison-mère qui n a plus ainsi aucune contrainte de territorialité , ni de gestion du personnel . Ceci demande une nouvelle organisation du travail ou dominent la mobilité , la flexibilité, la précarité, la docilité et l individualisation des travailleurs tout en recherchant paradoxalement le plus de savoirs et de qualifications de ces memes travailleurs. Pour la maison mère, les employés des sous-traitants ne sont qu une marchandise interchangeable et jetable qui doit rapporter plus qu elle ne doit couter. Les externalisations, comme les délocalisations sont liées aux Investissements Directs a l'Etranger, et ont bénéficié des accords commerciaux internationaux comme l ALENA (1994) et de la suppression des obstacles protectionnistes par les règles de l OMC. Ainsi furent créées les zones franches d exportation caricatures du nouveau modèle de salariat prôné par le néolibéralisme en Amérique latine, Caraïbes, Asie, Afrique du Nord.
L entrée massive des femmes des Suds sur le marché du travail est un effet de la globalisation car s'appuyant sur le patriarcat et les schémas sexistes de nos sociétés, les firmes ont recherché préférentiellement le salariat féminin afin de globalement baisser les coûts de production, partout dans le monde. Dans les 20 dernières années, la participation des femmes a la vie active s est accrue partout dans le monde, 70 % des femmes du Nord travaillent contre 60 % du Sud , elles sont 40 % de la main-d'œuvre totale. Et pour autant leur statut dans le monde du travail ne s améliore guère (chômage, inégalités salariales, temps partiel, précarité, emplois les moins qualifiés). Aussi beaucoup de ces femmes cherchent une issue dans la migration. Certains pays les présentent dociles, flexibles, peu coûteuses comme un atout pour les IDE. D après le rapport de la Commission de la Condition de la Femme des Nations Unies sur la promotion économique de la femme, présenté en Mars 2006 lors de la 50 ième session, le taux de participation des femmes a la vie économique dans le monde n a cessé d augmenter depuis 1989, sauf en Europe Orientale et Centrale, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ou il reste inférieur a la moyenne mondiale Ainsi ce
sont développées les maquillas ou maquiladoras au Mexique et au
Guatemala dans les années 1990. Tous les témoignages sur les
conditions de travail dans les ZFE sont unanimes : humainement
indignes, brimades, violations des droits syndicaux, journées
dépassant 8H de travail , insalubrité, maladies respiratoires , baisse
de la vue, allergies, dépressions. Le temps moyen de travail des
femmes dans ces ZFE n excède pas 7ans, tant c est épuisant
physiquement et moralement. Ainsi, que ce soit en ZFE, dans le secteur
formel ou informel, les salaires des femmes sont toujours inférieurs
a ceux des hommes, pour le meme travail et leur taux de chomage
supérieur a celui des hommes. Afin d échapper au droit du travail et a la gestion directe du personnel, les entreprises donneuses d'ordre ont de plus en plus recours a la sous-traitance, pour la France d après l INSEE, 9 entreprises sur 10 y ont recours aujourd hui. Et plus l entreprise est grosse plus elle sous-traite. Dans les NPI, surtout en Inde, ces dernières années de nouveaux secteurs émergent pour assurer la sous-traitance des services délocalisés par les entreprises occidentales. Au lieu de créer des filiales, beaucoup de transnationales mais aussi de simples entreprises ont passé des contrats avec des entreprises locales pour assurer une part de leurs activités comme les centres de diagnostic médical au Brésil et en Inde. En informatique les délocalisations ont suscité la création d énormes entreprises de dizaines de milliers d employés ne travaillant que pour l exportation et dont les chiffres d affaires dépassent le milliard de dollars (Tata Consultancy Services (TCS, filiale du groupe Tata), Infosys et Wipro), qui elles memes sous-traitent a d autres entreprises. Elles sont reconnues sur le marché international, et ouvrent des bureaux a l étranger, meme en Europe (France), afin de démarcher de nouveaux clients. Depuis quelques années, la croissance du secteur est due au " business process outsourcing " (BPO), a savoir la sous-traitance des relations clients et de toutes les activités internes a l entreprise mère qui peuvent etre effectuées a distance. Cette nouvelle tendance, très en vogue chez les grandes firmes américaines et britanniques, a donné naissance a près de 300 entreprises indiennes employant en moyenne 1000 personnes. Un tel essor a suscité la convoitise des multinationales qui rachètent leur ancien sous-traitant ex : IBM a récemment racheté son ancien sous-traitant, Daksh e-Services.
Le travail informel est de la survie, ne fournissant aucune protection sociale, ni assurance maladie, ni garantie de revenus réguliers, ni sécurité d emploi, ni droit a la retraite. Il est aussi le résultat de la sous-traitance voulue par le secteur formel et ses faibles coûts alimentent les profits des transnationales (ex : couturières a domicile). Les revenus sont très inférieurs a ceux du formel l'écart de salaires entre Hommes et Femmes y est plus grand. Il a été mis en évidence un lien direct entre travailler dans l informel et etre pauvre. L économie du " sweatshop " usine a sueur, du travail a domicile ou en arrière-cour comptait 200 millions de personnes en 1995, c est a dire plus de travailleurs, en majorité des femmes, que l ensemble des zones franches.
Existent aujourd'hui à travers le monde des agences qui ne sont ni d intérim, ni sous-traitantes, car non réglementées, qui achètent la force de travail des personnes pour la revendre a un patron. Nous sommes la face a des cas de vente ou de location d etres humains très proche de ce qu était l esclavage Ce qu on appelle le marchandage qui transforme le salariat permanent en temporaire, et entraîne une précarisation systématique du travailleur. Le capital industriel a par ce moyen accès a tout le marché mondialisé du travail. Simultanément, il se débarrasse de la gestion de la force de travail et de ses conflits, et du souci de sa reproduction. Cette pratique interdite en France depuis le XIXème vient d y etre réintroduite en légalisant dans le secteur de la marine marchande , le recours a des entreprises de main d oeuvre maritime : les manning agencies, pouvant fournir un marin ou tout un équipage de plusieurs pays différents a des conditions différentes de salaires et de durée. Au Pérou
l outsourcing est responsable d une situation relevant du délit de
marchandage (en droit du travail francais) : un marchand de main-d
oeuvre titulaire d un contrat assorti d une commission, recrute
librement des femmes sans contrat, sans garantie, et évidemment
non-syndiquées, pour une durée réellement " indéterminée ", pale
imitation du principe nord-américain de " l employment at will ". Ces quarante années correspondent a la mise en place et au développement des politiques néolibérales de privatisation des services et entreprises publiques, libéralisation du marché, ouverture des frontières pour les capitaux et les marchandises, pronées par la Banque Mondiale, l'OMC et entre autres le G8 , aux restrictions budgétaires imposées aux pays des Suds au titre de la dette par le FMI, qui ont augmenté les inégalités entre les pays mais aussi a l intérieur des pays et par l a meme la pauvreté . C est pourquoi la majorité des migrants vient des pays en développement ou en transition et émigre vers les régions ou pays un peu plus riches frontaliers ou vers les pays développés. La plupart des immigrés en Europe viennent d Afrique ou du Moyen-Orient, ceux des Etats-Unis viennent en majorité du Mexique , d Amérique Centrale et des Caraibes. Cette mondialisation pousse la jeunesse du monde en développement a affronter la mort pour chercher un avenir meilleur ailleurs, mais aussi les jeunes des pays riches a une mobilité de plus en plus grande , sous prétexte de compétitivité et de flexibilité. Si les causes peuvent etre politiques, sociales, culturelles et économiques, les migrations actuelles sont essentiellement des migrations de travail. Et elles sont majoritairement féminines vers les pays riches (5 1%) pour répondre aux demandes en très forte hausse ces 10 dernières années de soins aux personnes (Care latino-américaines en Allemagne et Espagne, sri lankaises au RU, philippines dans les pays du golfe, péruviennes au Chili, mexicaines aux USA). L intensification de la marchandisation de toutes les activités humaines, a laquelle s ajoute la pauvreté endémique , les discriminations et violences subies par des femmes de plus en plus éduquées en recherche d émancipation et de dignité, est au fondement de l exploitation d une nouvelle main d oeuvre sexuelle mais aussi de nouvelles résistances. Après les délocalisations, les externalisations et restructurations, il ne reste pratiquement plus dans les pays riches que le capital contraint, c est- a-dire non délocalisable comme les services a la personne, le soin aux personnes " care ", la construction, la surveillance, l hotellerie, la restauration, le batiment, l agriculture. C est dans ces secteurs d activité que nous retrouvons majoritairement les immigrés aujourd hui, a des salaires très bas, sans tenir compte de leurs diplomes, de leurs compétences (1 immigré sur 4 est diplomé de l enseignement supérieur en France) et de leurs préférences. Nous les retrouvons aussi dans la fonction publique l a ou" l Etat-employeur " en a besoin pour colmater les manques de main d oeuvre dans les secteurs ou il ne forme plus assez de gens (la Santé publique) ou les détourne de leur vocation (la Recherche) . Nous voyons les Etats et les institutions mettre en place des exceptions juridiques nationales et internationales permettant l importation temporaire de travailleurs aux conditions de leurs pays d origine (mode 4 du commerce des services dans l AGCS et directive Bolkestein dans l Union européenne) . Ils sont une nouvelle catégorie de " déplacés ", étrangers travaillant sous des contrats temporaires aux conditions de leur pays d origine dans des secteurs tels que les chantiers navals (les " montages exotiques " d Alstom aux Chantiers de l Atlantique .Ici l emploi marchandisé reste le complément de l emploi " normal ", que son extension menace cependant de plus en plus.), ou les télécom. Cette extralégalisation des contrats, renvoie cette partie de la force de travail mondiale au statut de marchandise payée a son simple coût de reproduction, voire aux confins de l esclavage. Ajoutés a l utilisation des travailleurs sans-papiers , ces différents mécanismes ont pour effet d aligner progressivement les salaires des catégories de salariés le plus facilement mis en concurrence vers le bas (dans sa dernière déposition devant le Congrès Alan Greenspan a déclaré que la concurrence des salariés de la Chine et de l Inde avait permis d imposer une progression des salaires nominaux inférieure et au mieux égale a l inflation aux Etats-Unis). Les memes mécanismes conduisent bien sûr a un alignement progressif de la protection sociale sur le niveau des pays ou ils sont le plus bas. C est la fonction centrale du " marché intérieur " dans le cadre de l Union européenne. Ainsi, si les inégalités croissantes dues a la mondialisation ont augmenté les migrations, la mondialisation s est servie de la migration pour baisser les coûts de la main d ¦uvre pour le capital contraint, non mobile, dans le cadre de la mondialisation du marché du travail qui met en concurrence tous les travailleurs de la planète. Ainsi est apparue la notion d " immigration choisie " ou " quota " qui permet d adapter les flux entrants aux besoins en personnel qualifié des entreprises nationales, faisant fi de la liberté de choix et des droits des migrantes et des migrants. Comme le dit Francois Lille : " Pour les régulations du marché du travail, on en arrive, dans ce schéma, au reve capitaliste de l immigration choisie sous la seule loi patronale, enfin formulé explicitement par des leaders politiques, de tous bords malheureusement. Cette formule d un parfait cynisme est présentée comme un sommet de l humanisme réaliste, le point de convergence des intérets des uns et des autres. C est au contraire un choix typiquement asymétrique, les riches choisissant parmi les pauvres ceux qui les enrichiront encore plus. "
La fermeture des frontières relève du fantasme de figer une situation démographique donnée a un instant précis. Comme la culture, la population est en constante évolution, y introduire des notions de stabilité ou seuil de tolérance conduit peu a peu a la notion d "identité nationale", proche de l identité ethnique ou religieuse, dérive dangereuse, menant au racisme et a la xénophobie ( "L ivoirité " en Cote d Ivoire a mené a la guerre). Or,
malgré les fermetures des frontières, le nombre des migrants ne cesse
d augmenter. De plus en plus la tendance est a la sous-traitance et a l externalisation des politiques migratoires par les pays de transit du Sud, par le biais des accords de libre-échange. Par exemple l UE a conditionné l aide aux pays du Maghreb dans le " partenariat euro méditerranéen " a la sous-traitance par ces pays de notre politique migratoire (ex : l UE a promis au Maroc 40 millions d euros contre " un engagement fort et clair contre l immigration clandestine ". Conséquence : en Octobre 2005 500 migrants Subsahariens sont déportés dans le désert dont 24 morts de faim et de soif ; a la Noël 2006, plus de 460 encore . En Libye des patrouilles navales conjointes avec l Europe s unissent pour enrayer l immigration, entre 2003 et 2005 la Libye aurait " rapatrié " 145 000 étrangers surtout venant de Somalie, d Erytrée). A Tanger, Rabat, Casablanca, Alger, Tunis, Tripoli, Tamanrasset existent des centres de rétention informels. Beaucoup
d Etats prétextent de la lutte contre la traite des etres humains pour
criminaliser les appuis des clandestins, les assimiler a des
trafiquants, et fermer les frontières. L effet est inverse : plus les
frontières se ferment aux personnes et plus le trafic et la traite des
etres humains augmentent, fabriquant des esclaves sans droit pour le
marché du travail non délocalisable, favorisant les rentes de la
criminalité financière transnationale. Plus
apparaissent les lois répressives pour les migrants et moins sont
inquiétés les employeurs, souvent sous-traitants de grandes
entreprises (batiment, hotellerie, chantier navalŠ), qui emploient les
clandestins (rapport UNDOC Mars 2007). D après le dernier rapport de l OIT sur les tendances mondiales du travail 2008, un des changements essentiel au niveau des emplois mondiaux est l explosion du secteur des services (42,7 % des emplois mondiaux), dépassant l agriculture (34,9 %) comme première source d emplois au monde, ainsi que l'industrie (22,4 %). Après un marché mondial du travail stabilisé en 2007 , la crise des marchés du crédit et la hausse des prix du pétrole pourraient se traduire par une augmentation du taux de chomage. Avec l augmentation du secteur des services, nous allons avoir une augmentation de la précarité et de l informel . Sachant que les femmes sont surreprésentées et dans l informel et dans les services, ce sont elles qui subiront le plus de précarité. Le marché mondialisé du travail va voir son réservoir de main d oeuvre se remplir de 5 millions de chomeurs et donc les tensions et la concurrence entre travailleurs seront exacerbées. Bien connaître le processus de mondialisation du marché du travail peut nous aider a organiser les résistances et les alliances pour défendre les droits du travail au niveau local mais aussi mondial. La première évidence est de rejeter la marchandisation de la force de travail qui nous ramène à l'esclavage et nous condamne a etre des individus isolés et manipulables. Il n y a pas de fatalité économique, notre monde est globalement de plus en plus riche et pourrait permettre une vie digne pour toutes et tous. Nous avons acquis des droits grace aux luttes de nos mères et de nos pères que nous devons défendre. Mais il ne suffit pas seulement de défendre les droits du travail, nous devons aussi défendre les droits des femmes et des migrants et tous les droits économiques sociaux et culturels. Car pour nous une autre mondialisation du marché du travail est possible, celle des résistances, des solidarités , celle basée sur le droit social mondial que nous pourrions construire ensemble.
Claudine BLASCO - Aout 2008 Pour tout contact : Site: www.marchemondiale.org
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