Viens, ouvre grand ta fenêtre sur le
monde
Il nous attend, je le sens venir à
notre rencontre !
Le soleil est entré à flot, dès
l’aurore, il nous voulait debout et fraiches !
Tes cheveux sont nimbés de ses ors, ta
peau semble de nacre
Tes yeux, bleus comme le ciel pur qui
te regarde
Viens, ma sœur, la liberté nous
appelle !
Courons dans les rues, chantons nos
chants d’amour
Appelons nos sœurs et nos mères à se
joindre à nous !
Regarde comme tu es belle !
Tu as oublié, déjà, le fardeau de
l’humble jour
Tu resplendis, Eve de toujours, mère
de l’humanité !
D’autres avant nous se sont levées
Elles ont parlé, chanté, crié parfois
Elles portaient notre drapeau !
Notre étendard, ma sœur, tes cheveux
en sont la trame !
Tu le portes fièrement, et si
doucement à la fois !
Etendard de soie, où murmure le vent,
où s’emprisonne la lumière
Ma sœur, viens, suis moi, il est temps
de partir !
Ne vois tu pas qui nous attend ?
Je l’ai vu, moi, hier par la porte
entr’ouverte
Un troupeau de chevaux sauvages
Qui déferlait sur la plage comme une
mer
Il avait les couleurs du feu, il
appelait du fond des âges
Au fond de ses prunelles rugissait la
tempête
Mais sa bouche fragile posée sur mon
épaule
Disait la douceur et l’étrange saveur
des larmes
Nos larmes, ma sœur, comme un vol de
colombes
Ont effacé, des prémices du jour à la
nuit la plus noire
La douleur de ceux que nous chérissons
Elles ont lavé le trouble, et la peur
Elles ont transfiguré l’ombre pâle de
la souffrance
Elles ont emporté avec elles les vents
glacés de l’hiver
Viens, lève toi, mets ta robe blanche
Allons frapper aux portes de nos sœurs
Allons leur dire de courir avec nous
par les rues
Formons un fleuve, de mains enlacées,
De roses blanches portées par nos
chants
D’oriflammes dorées, levées très haut
vers le ciel
Faisons de ce jour l’aube de la joie
Un berceau immaculé pour l’espérance
Et de nos bras, un réceptacle tendre
et doux
Pour les mots blessés, les paroles
tranchées
Depuis trop longtemps
Dans les gorges innocentes
Béatrice Bories-Bret